Ce petit bout de femme s'est battue pendant des années (elle est biologiste) contre les grands labos US entre autres, pour imposer la fabrication de médicaments génériques contre le sida en Thailande. Elle a réussi et a même pu n'en faire qu'un seul (au lieu de la trithérapie si contraignante, elle a synthétisé les molécules).
Elle est partie en Afrique pour continuer son combat contre le sida, mais aussi contre le paludisme : puisque les malades du paludisme ne peuvent avaler leur gélules, elle en a fait des suppositoires.
Elle vient d'être distinguée par l'OMS.
Un p'tit bout de femme à qui on peut rendre hommage...
Comme cette professeur de chimie pharmacologique s'ennuyait à enseigner
cette discipline à l'université, elle est entrée il y a plus de vingt ans au
service de la GPO. Il y a dix ans, faute de trouver auprès de la direction
de cette entreprise d'Etat le soutien nécessaire, elle décide de se lancer
seule dans la mise au point de médicaments génériques. "Je n'ai jamais
enfreint un brevet", s'empresse-t-elle de préciser, avant d'expliquer sa
démarche : "J'avais compris que, à la différence d'autres maladies, le sida
était un problème social, qui touchait les femmes, les enfants. Cela me
faisait tellement de peine de voir ces enfants malades. Alors, j'ai surtout
voulu aider les femmes enceintes, car le prix des traitements était trop
élevé pour nous." A l'époque, indique-t-elle, il en coûtait 600 dollars
américains pour traiter une personne pendant un mois.
Krisana choisit deux molécules, l'AZT et la didanosine. Elle trouva un
fabricant canadien pour lui fournir les matières premières et parvint à
mettre au point des copies identiques à l'original.
"Pendant six ans, GPO s'est abstenu de fabriquer à grande échelle ces
médicaments génériques, alors qu'elle disposait des capacités de
production", s'agace-t-elle. Sans doute le résultat des pressions et menaces
de représailles des Etats-Unis sur les exportations thaïlandaises de bois et
de pierres précieuses. La production démarrera néanmoins avec la quantité
nécessaire au traitement de 5 000 malades quand ce pays de 62 millions
d'habitants compte 100 000 cas de sida et 1,2 million de séropositifs.
Aujourd'hui, la capacité de production couvre plus de 50 000 personnes et
l'objectif des 100 000 est en vue.
Seule au départ mais soutenue par Médecins sans frontières, elle dirige
aujourd'hui une équipe de soixante-dix personnes. Le coût d'une trithérapie
individuelle vient d'être ramené à 27 dollars par mois. De plus, Krisana a
mis au point une formulation originale, le GPO-Vir, association dans un même
comprimé de trois médicaments antirétroviraux (3TC, d4T et névirapine), dont
il existe deux dosages différents, ce que les laboratoires concurrents ne
peuvent pas faire. Or, moins il y a de comprimés, moins les patients
risquent d'en oublier.
Aujourd'hui, son combat, c'est d'exporter son savoir-faire en Afrique. Un
accord a déjà été signé avec le Zimbabwe et avec le Ghana pour y démarrer la
production de médicaments génériques.
Sitôt la conférence de Barcelone sur le sida terminée (elle s'achève
vendredi), Krisana s'envolera pour le Maroc pour une troisième tête de pont,
en attendant la quatrième à trouver en Afrique de l'Est.
"Il ne faut pas sous-estimer ces pays, qui ont parfaitement les capacités de
faire ce que j'ai fait en Thaïlande pour leur bénéfice et celui de leurs
voisins."Cette militante du générique ne se couche jamais sans avoir écouté
de la musique classique. C'est sa grande passion et son rêve serait de
devenir chef d'orchestre. Mais Krisana avoue également deux autres
faiblesses : la littérature - elle écrit des poèmes - et Rome, une ville où
elle aimerait vivre.